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Expériences-Pratiques

Le fil à l’arrière-plan

Le " geste philosophique " constitue un fil conducteur de la Biennale de philosophie pratique, une question qui se veut radicale : il s'agit d'un défi pour penser à une relation interne possible entre le concept de geste et l'élément philosophique en établissant ainsi une nouvelle, troisième, entité séparée, cohérence théoriquement et pratiquement. En fait, il s'agit plutôt d'amener à la surface le geste en tant qu'aporie, de plonger dans l'abondance et la complémentarité de ses significations possibles, d'expérimenter les sens, de créer des expériences-gestes de substance philosophique. Alors que ce concept s'ouvre et se développe au sein de la Biennale et que des essaims de gestes minimaux émergent pour tisser de nouveaux discours et de nouvelles pratiques, il rencontre un autre fil conceptuel, tout aussi significatif pour le projet que le Laboratoire de Recherche en Philosophie Pratique est, celui des ruines et des traces : des gestes comme traces et vice versa, des ruines et des vestiges comme traces et comme gestes. Îles et villes insulaires, sites archéologiques, lieux architecturaux, morceaux de bâtiments, structures inachevées ou brisées, terres et rochers, vues et impasses, courbes et concavités, élévations et gorges, seuils et murs, fissures et entailles, silences et bruissements, crêtes et débris, agrégations et excavations, fissures et fossilisations, colonnes et contreforts, cris et murmures, monceaux, terre et profondeurs, sons et lamenti, lumières et ombres portent et dissimulent intensivement,  sans coutures toujours apparentes, des narrations, des pensées, des pratiques, des mouvements, des itinéraires, des histoires, des souvenirs, des gestes, des choses, des témoins, des relais, des métaphores. Les fragments et les poussières, les absences et les présences ruinées ne sont pas seulement ce qu'elles semblent être, des matériaux et des objets naturels, des formes et des désordres, devant notre regard, mais une expérience de pensée et d'observation, une résistance, des moments, des passages, des fins et des débuts, des lisières. Ils parlent silencieusement et non visiblement autrement, ils semblent garder quelque chose pour eux, la partie manquante porteuse d'un sens ouvert, non immédiatement accessible, le sens étant probablement un palimpseste - ils tendent à disparaître, seuls, derrière des échos et des images, des corps écrasés par les violences historiques, des temporalités entremêlées, des évanouissements, des origines et des totalités fantômes, des durées hésitantes, des integralités perdues mais des durées persistantes, des quasi-performances, des matérialités pleines de tact, créatrices de leur propre spatiotemporel dans lequel elles s'enfoncent et s'équilibrent.

Cette grille conceptuelle, émergeant des viscères de la Biennale, imbriquée dans son déploiement au fil du temps, vient se refléter dans ses activités et ses lieux sur la terre fuyante de l’île - des traces à trouver, à voir et à entendre, des gestes à faire et à défaire, des ruines à percevoir et à perdre...

Prof. Elena Théodoropoulou (Directrice du L.R.Ph.P., Université de l’Egée)